Nos devoirs envers nos animaux de compagnie

Croisé hier, en allant à la piscine, une dame âgée s’en prenant méchamment à son chien qu’elle tirait de force avec sa laisse.

« Tu as encore mangé des saloperies ! »

Je suis choqué par cette scène. Visiblement, ce chien est le souffre-douleur de sa maîtresse et je le plains.

Un animal de compagnie ne doit-il pas partager l’amour de ses maîtres ?

Il doit être, pour la personne seule et âgée, un compagnon, je dirais même un confident et un ami sur lequel reporter son affection et qui permet de supporter plus facilement la tristesse de la solitude.

Tel n’est visiblement pas le cas ici et cela m’attriste. Je ne connais pas la vie de cette personne. Peut-être, est-elle sous le coup de la colère à la suite d’une contrariété. Dans ce cas son attitude serait excusable. Mais je crains plutôt qu’elle ne soit aigrie… Or, quels que soient les malheurs et les souffrances d’une vie, il n’est jamais bon d’être aigri.

Je ne veux pas nous donner en exemple, mais je veux dire cependant un mot ici de Basile, notre chat, que nous ont offert nos enfants voici huit ans.

Ce chat a été pris à la SPA à l’âge de six mois et je me demande s’il n’avait pas été battu.

Il n’y a pas plus peureux que lui. Il ne s’est jamais aventuré dans d’autres pièces de notre appartement que le séjour et que la cuisine. Je n’ai jamais réussi à l’empêcher de s’installer sur tous mes papiers qu’il froisse et remplit de poils. Et non seulement il n’est pas affectueux – il ne veut jamais rester sur nos genoux quand nous le prenons – mais en plus il lui arrive de nous griffer et nous mordre, sans raison, au poignet ou à la cheville et de nous faire sérieusement saigner.

Je reconnais que dans ce cas j’élève sérieusement la voix et lui donne une bonne tape sur la tête. Mais pas davantage. Cela ne servira à rien. Je sais qu’il recommencera tôt ou tard alors une punition plus importante est totalement inutile.

Quels que soient ses défauts, nous ne lui en voulons pas. Nous le prenons comme il est. Jamais nous ne lui ferions le moindre mal, et même nous sommes aux petits soins avec lui. Il partage notre foyer, notre vie, et, comme tout animal, il a droit à notre attention.

Un chat peut-il être heureux ou malheureux ? Qu’est-ce que le bonheur ? Vaste question à laquelle je n’essaierai pas de répondre aujourd’hui.

Cependant, en toute honnêteté, je crois pouvoir dire que Basile est heureux. Aussi heureux que puisse être un chat aimé de ses maîtres.

Tout maître doit donner des marques d’amitié, je dirais même d’amour aux animaux qui partagent son foyer. J’ai eu l’impression, hier, que cette vieille dame n’aimait son chien. Peut-être me suis-je trompé. Je le souhaite vivement, mais j’ai trouvé qu’elle s’en prenait bien méchamment à son chien.

Ces hommes dont les hommes font des dieux !

L’homme, assoiffé de liberté, puisant ses forces dans les sciences et la technique, veut se passer de Dieu. Il réserve cette antique croyance à des demeurés ou des fondamentalistes parmi lesquels je ne me reconnais pas. Et il n’y a plus sectaires que les athées qui prétendent être les seuls à détenir la Vérité.

Mais quand je vois ces millions d’hommes qui honorent la dépouille d’un des leurs – que ce fut le pire ou le meilleur des hommes – je me dis que l’homme ne peut se passer de dieux.

Cinq millions de Soviétiques, en mars 1953, défilant devant la dépouille du « petit père des peuples » qui avait trucidé quinze millions d’entre eux !

Cinq millions d’Egyptiens, en 1970, qui se bousculaient aux obsèques Gamal Abdel Nasser.

Trois millions de Britanniques, le 6 septembre 1997, pour accompagner Lady Di à sa dernière demeure.

Plus d’un million de chrétiens en 2005 pour assister à Rome aux obsèques du pape Jean-Paul II.

Et maintenant deux millions de personnes en pleurs qui défilent devant le cercueil d’Hugo Chavez, à Caracas!

Ces élans collectifs, ces pleurs, ces désespoirs, pour honorer les meilleurs d’entre nous comme les pires racailles, font partie de l’histoire et de l’âme humaines. Ils naissent d’une profonde émotion et traduisent le besoin, pour le commun des mortels, de se rattacher à quelque chose ici-bas.

A défaut d’honorer un Dieu dans le ciel, transcendant, et sans défaut, on fait d’un mortel un dieu auquel on attribue toutes les qualités.

Il est juste de rendre hommage à nos morts. Il est juste de leur témoigner notre amitié. Notre affection. Mais, comme en toute chose, il convient de raison garder et de conserver une certaine mesure.

Or ces manifestations de foules qui semblent envoûtées, ces scènes d’hystérie dont elles s’accompagnent souvent, échappent à la raison, traduisent l’angoisse de tout homme face à la mort, et la part d’irrationnel qui demeure au plus profond de lui-même.