Les conséquences gravissimes de la faillite de l’Etat de droit…
Dans un Etat de droit, après des actes délictuels ou criminels, le rôle de la Justice est d’apaiser la colère légitime des victimes et de leurs proches, en leur interdisant de faire justice elles-mêmes, en ouvrant des enquêtes pour retrouver le – ou les – coupables et en infligeant à ces derniers les peines prévues par la Loi.
Malheureusement, il faut constater qu’aujourd’hui – en France – la Justice, est de plus en plus laxiste et débordée, a tendance à remplir de moins en moins ce rôle fondamental pour le bon ordre de la Société. Et que les effectifs de police et de gendarmerie sont en nombre insuffisant et ne peuvent plus accomplir le rôle qui leur revient.
Conséquence inéluctable et gravissime : les victimes risquent précisément d’en venir à faire justice de plus en plus elles-mêmes, ce qui est absolument inadmissible dans un Etat de droit.
Deux affaires récentes illustrent ce danger.
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Nantes : le dimanche 16 octobre : une femme de 47 ans, est poignardée à mort, alors qu’elle attend le bus pour se rendre à son travail, peu avant le lever du jour. Ce crime est connu rapidement dans le quartier, et plusieurs dizaines d’habitants se mettent en recherche du criminel.
Avec leur rassemblement, ils polluent la scène de crime – ils fouillent notamment les poubelles – et de ce fait rendront plus difficile l’enquête de la police. Mais surtout ces habitants s’emparent – sous la menace et de façon totalement illicite – d’images de vidéosurveillance d’une entreprise et d’un groupe scolaire situés à proximité. Sur les bandes, ils aperçoivent une Peugeot 308 blanche, s’arrêtant à hauteur de la victime, avec qui le conducteur a, semble-t-il, échangé quelques mots, avant de repartir. Ils remarquent qu’il manque au véhicule l’enjoliveur de la roue avant gauche.
Forts de cette caractéristique, ils retrouvent rapidement la voiture en question, identifient son propriétaire, se rendent chez lui et le soumettent à un interrogatoire musclé, avant d’appeler la police.
Le conducteur déclare avoir vu cette femme s’embrouiller avec un « mec », lui avoir proposé son aide, puis être rentré chez lui. Et après avoir vu les « infos » s’être rendu au commissariat pour dire qu’il avait été témoin oculaire.
On connaît aujourd’hui le scénario de cette affaire. L’auteur du crime – un Nantais de 21 ans sans emploi et sans antécédents judiciaires — a reconnu avoir senti monté en lui un accès de violences incontrôlable, après une nuit alcoolisée dans une discothèque.
Il avait dû raccompagner chez lui, un ami éconduit par les vigiles, et avait été extrêmement mécontent de devoir quitter ainsi la soirée.
S’étant arrêté une première fois devant l’abribus où se trouvait sa future victime -qu’il connaissait comme étant une voisine du quartier -, il échangea avec elle, des propos « houleux ».
De retour chez lui, il fut pris à nouveau d’un accès de rage non maîtrisé, s’empara d’un couteau et retourna à l’abribus où il poignarda la victime.
Cette affaire rappelle l’interdiction absolue, pour des citoyens, de se substituer à l’Etat de droit et les dangers de transgresser cette interdiction.
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Roanne : l’affaire de Roanne est encore plus grave, et demande bien des réserves car les informations données par les médias sont contradictoires.
On sait aujourd’hui que dans la nuit du jeudi 20 au vendredi 21 octobre, vers 3 heures du matin, un jeune homme s’introduit dans un pavillon d’un quartier du sud de Roanne, monte dans la chambre d’une petite fille de 6 ans, au premier étage, et se livre à des attouchements sur elle.
La mère de la victime, entendant du bruit dans la chambre de sa fille, tombe « nez-à-nez » avec ce jeune. Prise de panique, elle appelle son compagnon, tandis que l’intrus prend la fuite.
Vendredi matin, les parents vont porter plainte. J’ignore si les policiers se sont rendus ou non à leur domicile pour faire des constatations.
Toujours est-il que, doutant de leur capacité à retrouver l’agresseur, et constatant, le vendredi soir, qu’il n’y a eu aucune ronde, ni patrouille, le père de la petite fille, aidé de quelques voisins, décide d’établir une surveillance dans le quartier, pour tenter d’identifier l’individu.
Dans la nuit de vendredi à samedi, à 2 heures du matin, un jeune garçon qui correspond au signalement donné par la mère, est repéré près du domicile des parents, par le père et trois voisins.
Ce jeune garçon est maîtrisé. Le père présente sa photo à sa compagne, qui dit reconnaître l’agresseur de sa fille. Selon elle, il portait le même T-shirt.
Le père ressort alors de chez lui avec trois voisins, passe à tabac le suspect, et même le fouette avec un câble électrique. Heureusement une personne du groupe appelle la police qui met fin au lynchage, qui aurait pu entraîner la mort de l’agresseur présumé.
Le suspect – un jeune Guinéen, soi-disant mineur – sera conduit à l’hôpital où ses blessures seront évaluées à 10 jours d’ITT. Il contestera les faits, et même portera plainte contre les quatre personnes qui l’ont passé à tabac. Il résidait depuis une quinzaine de jours dans une structure spécialisée, située à une centaine de mètres du domicile des parents de la fillette, et prétendra de jamais être allé dans cette maison.
Il ajoutera même qu’au moment où il a été « interpellé » » par les quatre hommes, il était simplement dans la rue, et n’essayait pas du tout d’escalader le grillage du jardin, contrairement à la version donnée par ses agresseurs.
Après sa sortie de l’hôpital, il a été placé en garde à vue et présenté à un juge d’instruction dans le cadre de l’ouverture d’une information judiciaire, mis en examen par ce magistrat-instructeur, qui a considéré qu’il y avait des indices graves et concordants, qui permettaient de le retenir. D’où la détention provisoire en attendant les avancées de l’enquête.
Quant aux quatre hommes, ils seront jugés le 24 janvier 2023 au tribunal correctionnel de Roanne, pour violence en réunion avec armes par destination. Ils risquent entre cinq et dix ans de prison et une forte amende. D’ici-là, ils ont l’obligation, entre autres, de pointer une fois par semaine au commissariat, de répondre aux convocations et interdiction de quitter le territoire.
Par ailleurs, les juges devront prendre en compte que les quatre personnes, qui ont agressé le suspect, ont déjà un casier judiciaire. Le père de famille, notamment, avait été condamné à de la prison ferme pour le braquage d’un bar tabac de Roanne en 2014, et avait également été poursuivi pour des faits de vol, de conduites sous substance, refus d’obtempérer mais aussi violences en réunion. Son avocat, précise qu’il a changé, évolué, et que l’homme d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui d’hier.
On voit, avec cette affaire – encore plus complexe que la précédente -, les risques gravissimes qui surgissent quand des citoyens, n’ayant plus confiance ni dans les forces de l’ordre, ni dans la Justice, décident de faire justice eux-mêmes, l’Etat de droit se montrant de plus en plus défaillant.
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Dans ces deux cas exceptionnels – et surtout dans le second – même si elle peut s’expliquer, l’intervention des proches ou des voisins de la victime, ne saurait se justifier et présente les plus graves dangers pour le respect du droit dans notre société. Quelle que soit la gravité du délit ou du crime commis par un agresseur, les victimes ou leurs proches, n’ont pas à se venger elles-mêmes, même si l’envie peut être importante. C’est à la police et à la Justice d’intervenir.
Cependant, en dehors de ces deux cas complexes, il faut reconnaître la position inadmissible prise parfois par la Justice. Ce sont les cas de légitime défense.
Est-il normal, en effet, que des personnes dont la vie a été menacée – parfois à plusieurs reprises – lors d’un vol à domicile ou d’un braquage, soient condamnées à des peines de prison pour avoir tué leur agresseur, la Justice prétendant que les conditions fixées par la légitime défense ne sont pas valables ?…
Que dire, enfin, de ces femmes, victimes des brutalités répétées, pendant des années, de la part leur compagnon, qui en viennent à le tuer et sont condamnées ensuite à des peines de prison ?…
Tel fut le cas bien connu de Jacqueline Sauvage qui, après avoir subi pendant les années les violences de son mari, fut condamnée à dix ans de réclusion criminelle par deux cours d’assises, qui jugèrent qu’elle n’était pas en état de légitime défense, puisqu’au moment où elle avait tiré sur son mari, celui-ci ne commettait aucune agression à son encontre. Elle bénéficia finalement d’une grâce présidentielle, qui lui permit de sortir de prison mais ne l’innocenta pas.
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Appliquer le droit. Rendre la justice est loin d’être simple, il faut le reconnaître. Mais le drame est la lenteur des tribunaux, le laxisme de la Justice, le manque de moyens de la police et finalement la déliquescence de l’Etat de droit.
Comme nous l’avons dit au début de cette chronique, cela est gravissime, car cela pousse de plus en plus les victimes et leurs proches à céder à leurs instincts de vengeance, à châtier elles-mêmes leurs prétendus agresseurs, au mépris de toutes les lois.
Il y a là un risque de généralisation extrêmement dangereux, qui peut entraîner les pires désordres et une profonde anarchie dans notre société, dont les lois sont le fondement de la bonne marche.
Nos dirigeants finiront-ils par en prendre conscience et réaliseront-ils l’urgence de redresser la barre ?…