A propos de la commémoration du 19 mars 1962

L’Histoire a ses périodes et ses lois auxquels les hommes ne peuvent échapper. C’est ainsi qu’il y eut un temps pour la colonisation et un temps pour la décolonisation. Et c’est ainsi sans doute qu’il était inéluctable que l’Algérie devint un jour indépendante. Mais nous ne pouvons que nous indigner – je dirais même pleurer de tristesse et de de honte – devant la façon dont cette indépendance a été octroyée.

Les personnes honnêtes ne peuvent le nier : la France avait apporté de nombreux bienfaits à l’Algérie, au cours de ses cent trente ans de présence. Mise en valeur de sols, construction de routes, de voies ferrées, de ports, d’écoles, d’hôpitaux, développement sanitaire et social, etc.

Mais, il faut le reconnaître, il y avait aussi beaucoup d’injustices dans l’Algérie d’avant l’indépendance. L’une des plus grandes, peut-être, était un système électoral tout à fait inégalitaire, avec deux collèges, l’un musulman (représentant 9 millions de personnes), l’autre européen (1 million de personnes). Une voix européenne valait alors neuf voix de musulmans.

L’instauration d’un collège unique en 1957, et le plan de Constantine, en 1958, venaient corriger les injustices et les inégalités existantes.

Rappelons que le plan de Constantine prévoyait la construction de 200 000 logements, la redistribution de 250 000 hectares de terres agricoles, le développement de l’irrigation, la création de 400 000 emplois industriels, la scolarisation de tous les enfants en âge d’être scolarisés à l’horizon de 1966, l’emploi d’une proportion accrue de Français musulmans d’Algérie dans la fonction publique (10 %), et l’alignement des salaires et revenus sur la métropole.

Les efforts entrepris pour réduire et supprimer les inégalités entre Européens et musulmans étaient prometteurs, et on aurait pu espérer que l’accession à l’indépendance de l’Algérie se réalisât le plus sereinement possible, en conservant des liens d’amitié et de fraternité avec la France.

Mais il faut dénoncer ici le régime de terreur que le FLN mit en place pour obtenir cette indépendance. Terreur à l’encontre des Européens et encore plus des musulmans favorables à la France. Il faut rappeler que les harkis – que le FLN a accusés de traîtrise et a massacré impitoyablement – se sont ralliés pour la plupart à la France par dégoût pour les crimes innommables perpétrés par le FLN.

Et il faut dénoncer haut et fort, le cessez-le-feu du 19 mars 1962, que seule respecta l’armée française – qui avait été victorieuse militairement sur le terrain – et que le FLN viola impunément, enlevant et tuant plusieurs centaines de soldats français et massacrant dans les pires supplices des dizaines de milliers d’harkis et de musulmans qui avaient eu des sympathies pour la France. Il faut rappeler tous les massacres qui suivirent le 19 mars 1962. Il faut rappeler les centaines de civils massacrés à Oran, le 5 juillet 1962, jour de l’indépendance, ou encore tous les harkis qui ont trouvé la mort en enlevant, pieds et mains nus, les mines et les barbelés le long des frontières avec la Tunisie et le Maroc !…

Pour ces raisons, le 19 mars ne saurait marquer en aucun cas la fin de la guerre d’Algérie, comme la gauche française l’a décidé de façon totalement arbitraire.

Je suis pour la paix et pour la fraternité entre les peuples et entre les hommes. Pour moi, la guerre est la pire des choses. Il faut tout faire pour les éviter et, ensuite, pour réconcilier les ennemis d’hier.

Mais pour faire la paix, il faut être deux à la vouloir et il faut une mémoire objective et honnête. Or l’Algérie refuse de joindre sa main à celle tendue par la France. Or l’Algérie a du passé, une mémoire partiale et sectaire.

L’Algérie de Bouteflika dénonce les crimes de la colonisation et de l’armée françaises, mais ils ne sont rien à côté de l’horreur de ceux commis par le FLN pendant toute la guerre et après. La France n’a aucune repentance à faire à l’Algérie.

Les guerres naissent bien souvent de l’humiliation. J’ai lu quelque part que le général Giap qui a fait tant de mal aux soldats français d’Indochine et qui s’est montré si cruel envers eux, avait perdu sa femme dans les prisons françaises, des suites des tortures qu’elle y avait subies. Ceci explique peut-être cela…

Pour en revenir à la réconciliation de la France et de l’Algérie, elle ne se fera pas, hélas, tant que les autorités algériennes inculqueront la haine de la France à leurs enfants, et ne voudront pas reconnaître les crimes du FLN.

La France et l’Allemagne présentent une mémoire apaisée, sereine et sans passion, sur les drames qui les ont déchirés au cours des deux dernières guerres.

L’Algérie et la France parviendront-elles un jour au même apaisement, à la même sérénité ? Je le souhaite ardemment, mais ce n’est pas en falsifiant l’Histoire et en prenant le 19 mars 1962 comme date de fin de la guerre, qu’elles y parviendront.

Une pensée pour les victimes du général Giap

M. Laurent Fabius a rendu un vibrant hommage au général Giap qui vient de mourir à 102 ans. Je regrette qu’il n’ait pas eu un mot pour toutes les victimes de cet homme.

Communiste, le général Giap n’accordait aucun prix à la vie humaine, que ce soit celle de ses hommes ou celle de ses adversaires.

Les prisonniers et les blessés de Diên Biên Phu connurent un calvaire aussi affreux – et même pire – que les victimes des camps de concentrations nazis.

Sur près de 11 000 combattants capturés à Dien Bien Phu, seuls 3.200, réduits à l’état de squelettes, seront rendus à leur famille quatre mois plus tard. Plus de 70 % perdirent la vie en captivité et dans quelles conditions ! Cela aussi, c’est le général Giap !

Certes, il faut aller de l’avant, il faut tout faire pour rapprocher les hommes et les peuples, mais on n’a pas le droit d’oublier de tels crimes, surtout quand on est ministre des Affaires étrangères.