Si près du but…
Wimereux. Vous ne connaissez pas ?… Il s’agit d’une petite station balnéaire de la côte d’Opale. Une petite ville sympathique de huit mille habitants, blottie confortablement dans sa vallée aux portes de Boulogne-sur-Mer et dont on vante le charme et la mer.
Pourquoi vous parlé-je de cette ville dont il y a quelques minutes encore je n’avais jamais entendu le nom ?
Tout simplement parce que j’ai entendu – par hasard, lors d’un bulletin d’information sur France Info – qu’on avait retrouvé morte, là-bas, au pied d’une falaise, une jeune femme d’origine asiatique, d’environ trente-cinq ans.
L’autopsie a révélé que cette femme était morte à la suite d’une chute naturelle – non provoquée par un tiers. Et on sait qu’elle était revêtue d’une combinaison de nageur – probablement achetée à Paris – sous laquelle elle avait glissé des vêtements secs. Qu’elle s’était enduit les aisselles de vaseline. Qu’elle avait une sacoche étanche avec des aliments énergisants. Et enfin qu’elle avait une boussole accrochée à son cou.
Il s’agit très certainement d’une migrante, sans papier, qui voulait gagner l’Angleterre à la nage et dont le rêve s’est brisé au pied de cette falaise, en ce dimanche 12 août 2012.
Ô femme dont le nom demeurera à jamais inconnu, quelles furent votre solitude et vos souffrances, combien de kilomètres avez-vous parcouru avant de venir mourir là ?…
Que de dangers avez-vous bravés ! Vous avez connu la faim, la soif, l’obligation de vivre cachée dans des pays dont vous ignoriez la langue et où vous n’aviez personne pour vous secourir. Vous avez dû franchir, dans les pires conditions, maintes et maintes frontières, en vous en remettant au bon vouloir de passeurs plus ou moins honnêtes. Et vous avez connu tout au long de votre long parcours la peur et le risque permanent d’être refoulée.
Et puis votre périple a pris fin là, sur cette plage du Pas-de-Calais, si prêt du but, persuadée que vous alliez franchir l’infranchissable.
Je pense à votre père, à votre mère, à vos frères, à vos sœurs qui attendront désespérément un mot de vous, et qui ne sauront jamais ce que vous êtes devenue.
Qui viendra se recueillir sur votre tombe sans nom ? Qui viendra y verser une larme ? Y déposer une fleur ? Y dire une prière ?
Que la vie est injuste ! Mais si les mots ont un sens et si les souffrances de cette terre ne sont pas vaines, je demande à Dieu de vous ouvrir tout grand les portes de son Paradis. Lui n’a pas besoin de papiers et se moque des couleurs de peau, des lieux de naissance, de l’appartenance à telle ou telle religion, etc. Dans Son infinie bonté, Il accueille tous ceux qui souffrent.
Et je Lui demande, enfin, d’adresser un signe à celles et ceux qui vous avez quittés, que vous aimiez et qui vous aimaient. Qu’ils sachent, dans le secret de leur cœur et dans le mystère de l’Espérance, que vous avez atteint des rivages où il n’y plus ni souffrances, ni peur, mais félicité éternelle ! Qu’ils sachent que désormais vous veillez sur eux !