Les Erinyes et la poursuite des criminels nazis…

Les Erinyes étaient, dans la Grèce antique, des déesses infernales qui poursuivaient inlassablement les criminels et leurs descendants.

Ces déesses sont tombées dans l’oubli, mais des hommes assoiffés de justice – ou de vengeance ? – poursuivent aujourd’hui leur sombre mission.

Tel est le cas avec l’arrestation en Allemagne de Hans Lipschis, 93 ans, soupçonné d’avoir été gardien à Auschwitz.

Je m’interroge sur l’utilité d’une justice si tardive et je suis toujours gêné quand je vois d’anciens criminels de guerre, âgés et infirmes, amenés sur une civière devant les tribunaux.

Si longtemps après, est-ce bien nécessaire ? Certes les descendants des victimes souhaitent que justice soit rendue. Mais soixante-dix ans après les crimes !?…

Le vieillard d’aujourd’hui n’est plus le jeune homme d’hier, complice du système monstrueux d’anéantissement collectif nazi. Et s’il avait dû être poursuivi, jugé et condamné, cela aurait dû être dans l’immédiat après guerre. Il a coulé depuis des jours – heureux ? ou marqués par les tiraillements de sa conscience, si toutefois il en a une… Les témoins de l’époque ont tous disparu. Alors, à quoi bon, un tel acharnement ?…

Je ne sais pas s’il y a une justice divine, mais je ne crois guère en la justice humaine.

Je pense qu’il y a un temps pour tout. Il faut garder précieusement en mémoire la folie destructrice des nazis. Pour éviter que de telles monstruosités ne se reproduisent. Mais hélas les génocides du Cambodge, du Rwanda, les massacres quotidiens en Syrie, nous montrent que la mémoire préventive est souvent impuissante. L’humanité retombe toujours dans les mêmes ornières…

Pour en revenir aux Erinyes, je rappellerai que les poètes grecs les ont ensuite transformées en Euménides, déesses bienveillantes, porteuses des bienfaits du pardon et de la réconciliation. Valeurs que le Christ apporta au monde quelques siècles plus tard…

Le pardon n’est pas l’oubli, sinon il suffirait d’être amnésique pour pardonner. Le pardon ne peut être donné à la place de la victime or, dans le cas présent, les victimes sont ne sont plus là pour pardonner.

Le pardon est un apaisement du cœur. Le refus de s’enfermer dans un passé stérile et le désir d’aller de l’avant.

Quant à la justice, elle ne peut se passer de l’Amour. Elle doit essayer de trouver des peines à la mesure des crimes commis. Parfois aucune peine n’est à leur mesure. Il arrive que le crime soit si monstrueux que le coupable s’est exclu à jamais de la société. Je me demande si alors la peine de mort n’est pas la seule peine possible. Cette peine, loin d’être une vengeance cruelle et sadique, me semble plus humaine qu’une condamnation à perpétuité, sans le moindre espoir de sortir un jour de prison…

En effet, derrière toute peine, doit se profiler la possibilité de se racheter un jour, de repartir d’un pied nouveau après s’être acquitté de sa dette auprès de la société.

J’en reviens à ma question initiale : est-il utile de poursuivre Hans Lipschis ?…

Naufrage du Costa Concordia – Légèreté de la peine encourue par le capitaine…

Onze morts et 29 disparus, tel est le bilan à ce jour du naufrage du Costa Concordia, près de l’île de Giglio en Italie.

Il appartiendra à la Justice de faire toute la lumière sur ce drame et de prendre les sanctions qui s’imposent.

Mais, d’après les informations rapportées par les médias – qui demandent toujours à être prises au conditionnel – je trouve bien légère la peine de 12 ans seulement de prison encourue par le capitaine.

Non seulement il s’est trop approché de la côte – pour faire plaisir à un serveur ? – il aurait tardé à donner l’alerte à la capitainerie de Livourne, il n’aurait pas organisé l’évacuation, mais surtout il semble avoir été un des premiers à quitter le navire alors que, lors d’un naufrage, le capitaine d’un navire doit être le dernier à le quitter.

Il s’agit là d’une faute gravissime. La gravité d’une telle faute, le nombre de morts et de disparus mériteraient – à chaud – la perpétuité.

Il appartiendra à une Justice sereine et sans passion, de faire toute la lumière sur ce drame et prononcer des peines équitables.

Il conviendra notamment à la compagnie d’expliquer pourquoi le personnel à bord était composé d’une vingtaine de nationalités différentes – très probablement sous- payées – et incapables de coordonner l’évacuation du bateau…

Comme dans toute catastrophe, il y a les lâches et les héros. Citons, entre autres, ce commissaire de bord qui aurait sauvé des dizaines de passagers, puis serait tombé dans un restaurant inondé, et aurait été secouru 36 heures après le naufrage…

Le capitaine du navire a survécu au naufrage. Personnellement, je préfèrerais une mort héroïque et glorieuse, à une vie entachée à jamais de la honte de ne pas avoir accompli son devoir et d’avoir abandonné lâchement passagers et équipage.