Réflexions personnelles en ce dimanche de Pâques…

La hantise de la mort accompagne l’humanité depuis ses plus lointains commencements et, quand l’homme a commencé à penser, il a demandé aux religions de l’en délivrer.

Assoiffé de justice, il a imaginé un Au-delà où toutes les souffrances de cette vie terrestre seraient compensées par un bonheur éternel.

Il a imaginé – ou certains ont imaginé pour lui… – ce Paradis qui permettait d’accepter, de subir toutes les injustices, toutes les servitudes de despotes souhaitant avant tout écraser les masses sous leur pouvoir et leur domination.

Les religions ne seraient-elles donc qu’un leurre destiné à soumettre les peuples ? S’il est arrivé – et s’il arrive encore – qu’elles le soient, je veux croire cependant à l’honnêteté de la plupart de ceux qui fondé les grandes religions et à celle de la plupart des hommes qui en ont été – ou en sont encore – les ministres.

Les religions – depuis l’aube la plus lointaine de l’humanité – essaient d’expliquer l’inexplicable, de concilier les forces de la nature, et d’apaiser les peurs inhérentes à notre condition.

Je connais mal les grandes religions de la terre, mais je voudrais dire quelques mots ici, en ce jour de Pâques, du Christ et du christianisme.

J’ai la ferme conviction que le Royaume annoncé par le Christ est pour ici et maintenant – hic et nunc. Et il appartient à chaque génération, à chacun de nous de le faire vivre – ou revivre – en nous inspirant de l’Amour dont le Christ nous a donné l’exemple. En mettant toutes nos forces, toute notre ardeur, tout notre zèle pour vivre fraternellement, dans le respect et l’Amour de tous nos frères de la terre.

Pour moi, le Royaume – je viens de le dire – est pour ici et maintenant. Et je ne puis honnêtement prononcer cette phrase du credo : « Je crois à la résurrection de la chair », qui est récitée à chaque messe.

Comment peut-on nier cette évidence que notre corps n’est qu’une ombre passagère destinée à retourner à jamais au néant ?!… Face à ce constat qui me semble en complète conformité avec les lois de la nature, j’éprouve une indicible sérénité et je suis empli de bonheur et de JOIE en mesurant ma chance, unique, d’être et d’avoir été, alors que j’aurais pu ne pas être.

La mort est quelque chose de naturel. C’est la condition même de la vie. Je l’attends sereinement en ayant la certitude que mon corps, cette écorce charnelle, ne ressuscitera jamais au soir de cette vie ni… à la fin des temps.

Y aura-t-il un jugement ? Ma soif de Justice le souhaite. Et ma foi en la toute-puissance de l’Amour me laisse à penser que tous ceux qui auront répondu un tant soit peu ici-bas à l’appel de cette puissance, seront sauvés.

Je réfléchis depuis longtemps sur cette question. Et au stade actuel de mes réflexions j’imagine notre Paradis des chrétiens, comme le nirvana des bouddhistes, c’est-à-dire en une désappropriation totale de notre être, en une perte totale de tout ce qui nous rattache à la vie matérielle et immatérielle (notre corps, nos pensées, nos sentiments, notre mémoire, etc.) et en une fusion complète et harmonieuse en Dieu, dans le Cosmos ou dans le Néant. C’est selon.

Cette opinion, qui s’impose de plus en plus à moi, s’accorde parfaitement avec ma soif de Justice. Je pense en effet que les êtres qui n’ont jamais répondu ici-bas à l’appel de l’Amour, les êtres dont l’âme est trop noire pour connaître le repos éternel du nirvana, devront être réincarnés et vivre une ou plusieurs nouvelles vies au cours desquelles ils pourront se purifier.

L’éventualité de ce Paradis-nirvana ne me fait pas peur. Il n’y aura plus ni peines, ni souffrances mais une paix éternelle dans l’Eternité.

Voilà quelles sont actuellement mes convictions sur l’Au-delà. Chrétien de cœur, essayant de mettre mes pas dans ceux du Christ en Galilée, quelque peu en marge des dogmes de l’Eglise, il reste une question que je ne veux pas éluder, celle de la Résurrection du Christ au petit matin de Pâques.

Que dire ? Je pourrais me dérober en disant qu’il s’agit là d’un mystère et me retrancher derrière cette affirmation.

Je répondrai en disant que le Christ est pour moi l’incarnation du plus parfait de l’Amour. Sa vie a été au service des plus pauvres, des malades, des infirmes, etc. Son rapide passage sur notre terre a été consacré à soulager – physiquement et moralement – tous ceux qui souffraient.

A la différence de tous ces révolutionnaires qui prétendent amener la Justice sur terre, qui rejettent toutes les traditions et qui font couler le sang, le Christ n’a pas rejeté la Loi juive. Mais il l’a incarnée avec intelligence, cœur et générosité, en se démarquant des scribes et des Pharisiens qui étaient incapables de dépasser la Lettre pour retrouver l’Esprit.

Condamné à mort injustement, il n’a pas cherché à se dérober, il a accepté cette condamnation – comme Socrate quatre siècles plus tôt – et n’a perdu aucun de ceux qui l’avaient suivi. Je ne connais pas de plus bel exemple d’abnégation. De plus bel exemple de sacrifice pour tous.

Mais la Résurrection au petit matin de Pâques, me direz-vous ? Vous n’avez pas répondu à la question. Y croyez-vous ?…

Je dirai qu’il ne s’agit pas, pour moi, d’une Résurrection physique, matérielle, mais d’abord, avant tout, d’une résurrection qui touche les cœurs et les âmes. Et je m’appuie pour cette conviction sur le récit de Luc (24, 13-35) qui rapporte l’apparition de Jésus aux disciples d’Emmaüs.

Il fait route avec eux. Il leur parle des Ecritures, leur explique pourquoi le Fils de Dieu devait mourir. En l’écoutant tout devient clair pour eux. Et voilà qu’ils partagent leur repas avec lui et soudain, à la fraction du pain, ils le reconnaissent. Mais le temps d’un éclair, le temps d’une fulgurante apparition, et il n’est déjà plus là !…

Le Christ ressuscité échappe à nos contraintes de l’Espace et du Temps. Il est présent partout et toujours dans nos cœurs, dans nos âmes. Il est en nous. Il vit en nous. Et parfois certains d’entre nous – touchés par sa grâce et appelés à témoigner au plus grand nombre de sa Résurrection – le rencontre sur leur chemin. C’est là le privilège de quelques saints. Privilège qui s’accompagne souvent de grandes souffrances…

Telles sont mes convictions actuellement sur le Christ, le christianisme et la Résurrection. J’ajoute cette phrase du Christ en laquelle je crois profondément : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas. » (Matthieu, 24,35 ; Marc, 13,31 ; Luc, 21,33)

P.S. : En cherchant sur Google une photo pour illustrer ces quelques lignes je ne trouve que les représentations d’œufs de Pâques ! Je suis un peu surpris que l’origine religieuse de cette fête soit ainsi complètement « zappée »…

Agnostique ?…

Voilà des années que je cherche un mot pour définir mes rapports à Dieu.

Elevé dans une famille profondément chrétienne, j’ai dû longtemps et durement cheminer pour me défaire des dogmes de la religion catholique – qui me semblent aujourd’hui totalement abracadabrantesques – et je ne puis donc plus me qualifier de « croyant ».

Me dirais-je pour autant « athée » ? Certainement pas. Il y a dans ce mot, un sectarisme, un rejet de la transcendance, une prétention souvent à détenir la Vérité, que je refuse.

J’ai longtemps travaillé sur le terme « agnostique ». Serais-je « agnostique » ? Non plus. Car pour l’agnostique, si je ne dis pas de bêtise, la question de l’existence ou non de Dieu ne se pose pas. Or, pour moi, cette question se pose. Et de façon cruciale ! Mais, nous n’aurons la réponse qu’au soir de cette vie.

Je ne suis donc ni croyant, ni athée, ni agnostique. Alors que suis-je ?…

Loin de rejeter l’héritage de mon enfance et de mon adolescence, et les traditions religieuses dans lesquelles ma famille a baigné pendant des siècles, je dirai simplement que je suis un chrétien de cœur.

C’est-à-dire, un chrétien qui ne croit plus en cette kyrielle de dogmes que l’Eglise a forgés pendant deux mille ans. Ou plus exactement un chrétien pour lequel ces dogmes n’ont aucune importance. N’ont rien d’essentiel.

Le péché originel, la conception de Jésus par l’Esprit Saint, la Virginité de Marie, et la Résurrection de Pâques, tout cela pour moi aujourd’hui est secondaire. J’ai grandi dans l’ignorance totale des choses de la vie, et leur découverte brutale à l’adolescence m’a plongé dans un désarroi dont je porte encore les séquelles. La procréation est déjà pour moi quelque chose d’extraordinaire, de fantastique, alors pourquoi en rajouter avec cette conception virginale du Christ ?

Enfin – il y a longtemps au Moyen-âge que j’aurais fini dans les flammes d’un bûcher ! – je n’ai pas besoin de voir un Dieu dans le Christ. Peut-être l’est-il. Peut-être ne l’est-il pas. C’est pour moi une question sans importance.

En tout cas, il incarne pour moi le parfait et véritable héros. Il a donné sa vie sans mettre en danger celle de celles et ceux qui l’ont suivi.

La beauté, la pureté des Evangiles. Le message de justice et de paix qu’ils contiennent. L’invitation à aimer nos frères en humanité. La plus belle prière qui soit au monde, le Notre Père, tout cela m’éblouit, me fascine. Comme je suis ébloui et fasciné par le miracle de l’Univers et de la Vie.

Je resterai des heures à contempler un ciel étoilé. Sans être scientifique, je me demande comment, infime poussière perdue dans l’espace et dans le temps, je pouvais être en germe dans cette minuscule tête d’épingle qui est apparue voici 14 milliard d’années, lors du Big-bang ?… N’est-ce pas merveilleux ? N’est pas fantastique ?…

J’admire. Je m’émerveille. Mais je ne tire aucune conclusion. Je dis simplement « Que sais-je ? » et je refuse les croyances sectaires et à l’emporte-pièce.

Je me définirais donc comme un chrétien des chemins de Galilée, d’avant l’Eglise et tous ses dogmes. Un chrétien de cœur, disais-je, pour lequel l’essentiel, est d’essayer de vivre le plus droitement et justement possible – avec mes limites, bien évidemment – en m’efforçant d’être généreux avec tous mes frères humains. Un chrétien persuadé qu’il n’y a qu’une seule et unique réponse à tous les problèmes de l’humanité, l’Amour.

Certes, l’Amour ne redonne pas leurs bras et leurs jambes à un manchot et à un cul-de-jatte. Mais, quel merveilleux réconfort pour eux de se savoir aimés et d’aimer en retour !

Je n’ai plus peur de l’Enfer. S’il y en a un, il est sur cette terre. Et quant au Paradis, s’il y en a un, je pense que nous nous y retrouverons tous dans la JOIE, au soir de cette vie, et je m’en réjouis. Voilà tout.