Du stress au… string !…

Un psychanalyste de notre entourage affirmait dernièrement que le stress n’existe pas ! Dieu l’entende, le brave homme ! Mais, l’étudiant qui attrape un ulcère à l’estomac à l’approche de l’examen, et tous ceux qui souffrent de mille maux à la suite des agressions de la vie quotidienne, auront du mal à croire cet homme de science. Peut-être, tout simplement, parce qu’ils ne parlent pas la même langue.

Dans la langue courante, le stress désigne les réponses de l’organisme aux agressions physiologiques et psychologiques qui nécessitent une adaptation ; il désigne également l’action brutale sur un organisme d’un agent capable de produire une tension.

Etonnante histoire que celle de ce mot ! Il sent à plein nez les brumes britanniques. Et pourtant, il a vu le jour sous… le ciel méditerranéen de la Rome antique ! Il y a bien longtemps. Le verbe latin « stringo » [participe passé « strictus »] d’où il est issu signifiait, entre autres, « serrer, oppresser, presser ». Deux mille ans plus tard, on retrouve ce sens avec le « stress », cet étau qui « serre » à la gorge. Extraordinaire et merveilleuse pérennité des mots !..

Avec les légions romaines, le verbe latin arrive en Gaule, puis d’altération en altération, se retrouve en ancien français dans les mots :

– « destrece » ou « destresse », « chose étroite, étroitesse » puis « situation désespérée, angoisse, détresse ».

– « estrece », « étroitesse, oppression ».

Comme il arrive souvent dans l’histoire de notre langue, l’un de ces deux mots passe la Manche et donne au XIIème l’anglais « distress » signifiant « affliction ».

Mais, les mots sont comme les hommes. Ils vont et viennent. Ils naissent, vivent, meurent et renaissent. Ceux qui veulent les enfermer dans le carcan impérissable d’une nation, n’ont rien compris. Voilà donc, en 1950, « distress » qui franchit à nouveau la Manche, en sens contraire, cette fois, et sous la forme abrégée de « stress ».

Tout n’est pas dit encore. On retrouve le verbe latin « stringo » dans notre « prestige » qui n’est autre qu’une « pression sur les yeux » pour « éblouir. Enfin, les légionnaires romains chargés de leur lourd équipement, étaient loin d’imaginer que « stringo », après plusieurs voyages de part et d’autre du Chanel, allait faire un nouveau retour sur notre continent, sous une forme bien allégée, avec le… « string » ! très en vogue chez certaines de nos contemporaines et qui n’est autre qu’une ficelle « serrée ».

La fuite du temps…

Qui n’a jamais été pris de vertige
par la fuite du temps ?!…
Les poètes savent particulièrement
traduire cet effroi…

Tout s’écoule
et les êtres ne revêtent
qu’une forme fugitive
Le temps lui-même passe
d’un mouvement ininterrompu,
tout comme un fleuve.
Car, pas plus que le fleuve
l’heure rapide ne peut s’arrêter ;
mais, comme le fleuve est poussé par le flot,
comme la même onde pressée dans sa course
presse à son tour celle qui la précède,
du même mouvement égal,
ainsi les heures fuient et se suivent
toujours différentes ;
car ce qui fut un instant auparavant
est déjà loin,
ce qui n’avait jamais été, est
et tout instant de la durée
et une création nouvelle.

Ovide – Les Métamorphoses – XV, vers 178-185
GF Flammarion – traduction de Joseph Chamonard.
Poète latin très en vue, Ovide (-43 +17)
fut exilé, à l’âge de 50 ans par Auguste,
pour une raison inconnue,
et finit tristement sa vie loin de Rome,
à Tomes, au bord de la mer Noire
(l’actuelle Constantza en Roumanie).