Lettre ouverte au Président de la République

Monsieur le Président de la République,

Vous avez déclaré publiquement, le 13 juillet, au Ministère de la Défense, à propos du Général Pierre de Villiers, qu’il n’était pas « digne d’étaler certains débats sur la place publique » et vous avez ajouté « Je suis votre chef ».

Permettez-moi de vous dire, avec tout le respect que je dois à votre fonction, que ce n’est pas l’attitude du chef d’état-major des Armées (CEMA), qui n’est pas digne, mais la vôtre !

En effet, c’est au cours d’une audition à huis clos, devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale, « une enceinte où parlementaires et responsables auditionnés se parlent en toute confidentialité » que le général Pierre de Villiers a montré les dangers de la réduction de 850 millions du budget de la Défense et aurait dit : « Je ne vais pas me faire baiser. » Formule crue de militaire, prononcée en « off » et qui ne méritait certes pas la réplique publique, cinglante et humiliante, que vous lui avez donnée.

Si le général de Villiers devait être « recadré », ce devait être dans un tête-à-tête privé.

Pour le fond, je dois vous dire que le général Pierre de Villiers a totalement raison, et qu’il est absolument démentiel de réduire de 850 millions le budget de la Défense – comme de 526 millions, celui de l’Intérieur – à l’heure où la France n’a jamais été tant menacée par le terrorisme, à l’intérieur de ses frontières et à l’extérieur.

La Défense et la sécurité doivent être la priorité du gouvernement, et votre décision ne peut que réjouir tous les ennemis de la France.

C’est vous le « chef ». Sans doute. Mais un « chef », s’il est, en dernier lieu, le seul à décider, se doit de consulter, d’écouter, et de faire preuve d’humilité en reconnaissant qu’il n’est pas infaillible. Tel ne semble pas être votre cas, vu la façon autoritaire et péremptoire avec laquelle vous avez rappelé votre qualité de « chef ».

Vos courtisans et les médias vous ont donné l’épithète de « Jupiter ». Dois-je vous rappeler que, tout roi des dieux qu’il était, Jupiter n’était pas tout-puissant ? Il pouvait différer les arrêts du Destin, mais non les éviter. Voilà qui devrait vous appeler à une modestie que l’exercice du pouvoir semble vous avoir fait perdre !

Je tiens donc, pour terminer, à dire ici toute mon admiration au Général Pierre de Villiers qui a eu le courage de faire passer ses convictions avant sa carrière. Courage que n’ont pas eu certains de vos ministres – comme Bruno Lemaire, pour ne citer que lui – qui s’était prononcé catégoriquement contre l’augmentation de la CSG, pendant la campagne présidentielle, et qui maintenant, devenu ministre de l’Economie, est chargé de la faire appliquer !

Ce dernier s’est affublé de l’épithète « d’Hermès », le messager des dieux, ignorant sans doute qu’il était aussi le dieu des voleurs ! Pour un ministre de l’Economie, voilà qui est pour le moins inquiétant.

Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Président de la République, mes respectueuses salutations.