Il est facile, quand on n’est pas concerné directement par un problème, d’avoir des opinions tranchées et sans appel. Ainsi en est-il de l’euthanasie dont le Sénat doit discuter à nouveau ce 25 janvier.
Le respect sacré que nous devons avoir pour la vie, pour toute vie, nous invite à condamner une telle pratique. Et d’ailleurs, l’euthanasie est un mal moderne, une rançon de la civilisation. Dans la Préhistoire, nos lointains ancêtres prenaient soin des membres handicapés de leur communauté. On a trouvé, voici quelques années, dans la grotte de Shanidar, au Turkestan, les vestiges de neuf néandertaliens. L’un d’eux, portait des marques de blessures graves. Seule la solidarité des hommes de son clan lui permit de survivre. Ces derniers auraient pu l’abandonner ou le tuer. Ils ne l’ont pas fait et nous donnent un bel exemple de solidarité à l’aube de l’humanité.
Le problème se pose, en fait, avec acuité depuis que la médecine peut reculer indéfiniment la mort, et la frontière entre acharnement thérapeutique et euthanasie est ténue.
Si une personne endure des souffrances physiques et morales qu’on ne peut adoucir, dont on sait que son mal est incurable et qu’elle ne vit que par des subterfuges artificiels, si cette personne a encore sa conscience et demande à mourir, ou si elle n’a plus sa conscience mais a manifesté la volonté de mourir quand elle serait dans un tel état, faut-il dans une telle situation tout faire pour la maintenir en vie ?…
La question est tragique et ne peut obtenir qu’une réponse collégiale : celle de l’équipe médicale qui la soigne (médecins et infirmières) et celle de la famille. Ce n’est qu’au terme d’un accord entre tous qu’on peut accepter – à mon avis –de mettre un arrêt à ce qui n’est qu’une survie. Mais, l’acte est grave et ne doit en aucun cas être banalisé.
Mais attention à ne pas tomber dans l’euthanasie de confort, à celle qui consiste à donner la mort parce que le malade devient une charge trop lourde pour les proches et pour la société, ou – le danger est réel – parce que les héritiers sont pressés de toucher l’héritage !…
La souffrance fait partie de la vie, il faut tout faire pour l’atténuer, mais savoir aussi l’accepter. La personne qui souffre, qui est profondément diminuée physiquement et intellectuellement, reste un personne humaine et a droit au respect de tous.
Et puis attention aussi – le danger est grand – aux dérives d’eugénisme. Les horreurs des nazis – qui supprimaient les handicapés, les homosexuels, ceux qu’ils appelaient les « sous-hommes » – doivent rester dans toutes les mémoires.
Pour résumer, la sagesse, je crois est de dire non à l’acharnement thérapeutique, dans des cas bien précis et bien cadrés, et non aussi à l’eugénisme. Que l’on soit croyant ou non, la Vie est quelque chose de sacré et son respect doit toujours primé, quelles que soient les peines, les souffrances qu’il nous impose.
L’euthanasie s’apparente au désespoir et jusqu’au bout une vie a du prix pour les autres. Et le problème de l’euthanasie est peut-être surtout celui de la souffrance. Une fois la souffrance supprimée, les demandeurs y renoncent la plupart du temps…
Et finalement, ce qui importe le plus, ce serait que le malade en fin de vie puisse être entouré par des proches ou des infirmières ayant du temps à lui consacrer – ce qui n’est hélas plus le cas dans nos hôpitaux qui ne sont maintenant que des entreprises n’ayant qu’un seul but, la rentabilité ! – et qu’il puisse choisir, quand sa vie n’est plus qu’un fil ténu, le moment de sa mort.
Quelle belle mort pour moi, que celle de cet oncle âgé de quatre-vingts ans, hospitalisé pour des problèmes cardiaques, veillé par son épouse et ses enfants, qui un soir ou un matin – je ne sais plus – dit simplement à son épouse : « C’est fini. » et s’est éteint sereinement au même moment. Il avait choisi lui-même, l’heure où retourner dans l’Eternité.
Je sais combien il est difficile de parler de tout cela sans passion, et une fois encore, je ne prétends pas détenir La Vérité. Il y a dans ce domaine que des cas particuliers qui doivent être examinés avec sagesse et humanité, mais aussi sans complaisance.
Bien cher Henri ,l’euthanasie n’est pas une solution de facilte. il faut plus que du courage pour prendre cette decision.As tu lu le livre du docteur Duchaussoy ? il parle longuement des ses tourments et de ses interrogations concernant le jeune Humbert.
La confiance en nos medecins n’est elle pas aussi de savoir qu’ils entendront et comprendront nos demandes.?
Pas très simple tout cela …N’est pas ?
Bonne soirée
Bises
Agnes
Non, chère Agnès, comme tu le dis, tout cela n’est pas très simple. Je n’ai plus en mémoire le texte de la loi Léonetti, mais je crois qu’elle envisage avec beaucoup d’humanité et de justice, l’ensemble des cas qui peuvent se présenter. Mais chaque cas est un cas particulier…
Je n’en dirais pas plus. J’aurais l’air de vouloir avoir raison à tout prix et ce débat dépasse la raison. L’intelligence et le cœur y sont intimement mêlés. Mon intime conviction est qu’il ne faut pas légaliser l’euthanasie. Voilà tout. Mon regret, toutefois, c’est que le législateur n’informe pas assez le public, ne lui donne pas suffisamment la parole, ne l’écoute pas davantage.
Je t’embrasse sans oublier Adélaïde.
Henri,
Je voulais réagir sur cet article qui me préoccupe beaucoup. Moi je suis pour l’euthanasie, dit comme ça évidemment, c’est un peu brutal !!! Je n’ai pas suivi cette information sur cette loi mais je suis pour la possibilité de pouvoir demander de mourir dans le cas ou aucune possibilité de mieux être est envisageable. Bien évidemment avec des conditions, car comme tu le dis il y a de nombreux dangers liés à l’euthanasie. Actuellement c’est un peu de l’hypocrisie car elle se pratique déjà dans le milieu médical et heureusement, car l’acharnement thérapeutique m’attriste… Je pense que si la personne qui est en fin de vie ou qui se sait condamnée en a fait la demande lorsqu’elle était en état de le faire, on ne devrait pas la lui refuser. C’est une décision qui lui appartient… Dans mon entourage nous avons connu des personnes atteintes de cancer qui en ont fait la demande et qui l’ont obtenu… heureusement car c’est leur droit de ne pas vouloir partir dans la déchéance physique et morale et la souffrance. Je pense que ce n’est pas une décision facile à prendre et pour moi c’est un acte d’amour. C’est un peu une facilité de parler de tout ça, d’être contre l’euthanasie lorque nous n’avons pas encore été confronté à cette longue souffrance nous ne mesurons peut-être pas la douleur de perdre un être cher dans la souffrance… La mort nous l’acceptons sans doute plus facilement car nous allons tous mourir mais voir un être aimé mourir dans la souffrance est une toute autre chose… Le souvenir de ses souffrances endurées demeurent longtemps en mémoire… Mais comme tu dis attention aux dérives….
Voilà Henri, poursuis cette démarche de rédaction qui m’émerveille toujours. Tu es toujours plein de sagesse et dans tous tes écrits il y a toujours un message d’Amour… Merci
Bises affectueuses de ton amie Mado
MERCI, Mado, de ce long commentaire.
En fait, je pense que si l’on arrive a éradiquer complètement la souffrance – et la médecine, je crois, en est capable aujourd’hui – et si l’on met en place des structures pouvant accueillir et entourer, tous les malades en fin de vie et permettant à leur proches de leur rendre visite, alors, les candidats à l’euthanasie, seront moins nombreux.
Pour moi, l’euthanasie n’est pas un acte d’amour, mais la solution de la facilité.
Quand j’avais quatorze ans, mon père âgé de soixante ans a été foudroyé par une hémorragie cérébrale dont il ne s’est jamais remis.
Je l’ai vu cloué dans son fauteuil pendant neuf ans, réduit à une vie de plus en plus végétative, et muré dans un silence de plus en plus pesant.
Et pourtant, malgré la souffrance, il y avait encore une flamme qui brûlait en lui. Je l’entendrai toujours me répondre, jusqu’au dernier soir, « bonsoir », quand ma mère le conduisait en fauteuil roulant, à son lit.
Et je verrai toujours, le dernier, matin, son visage, paisible, rayonnant dont la mort avait effacé toutes les rides. Comme s’il avait fallu ce long chemin pour atteindre les portes de l’Eternité…
Ces neuf années de souffrances pour mon père, ont été rendues supportables par les soins quotidiens, à la maison, de ma mère qui a montré un dévouement admirable, et lui a évité le déchirement d’un hôpital. Cette expérience me montre le prix inestimable que nous devons accorder à la vie.
J’ajoute une histoire vraie – entendue sur RCF voici quelques mois – qui montre que les personnes dans le coma ont leur pleine conscience. Une infirmière donnait des soins à une femme dans le coma. Elle était en « pétard » contre son mari. « Les hommes sont tous pareils, chiants, mais on ne peut pas s’en passer ! » Elle a vu alors un sourire se dessiner sur les lèvres de sa patiente dans le coma…
Bises à partager avec Roland et votre petite Maé à qui nous devons montrer tout ce que la Vie a de beau.
Bien entendu tu as raison !!!! Tant que l’autre donne un signe de vie et d’espoir et surtout ne demande pas à partir. Mais chaque cas est particulier à chacun son vécu, tant du côté du malade que du côté des proches qui l’accompagnent. Quant aux exemples nous en reparlerons cet été. Nous avons accompagné notre beau-frère Serge en soin palliatif, tu connais notre douleur encore vive aujourd’hui, ainsi qu’un ami atteint d’un cancer du poumon condamné à mourir étouffé qui, lui, a demandé à son médecin traitant d’abréger sa vie par amour de sa famille.
La douleur…. nous ne sommes pas égaux face à la douleur….
Bien entendu j’ai partagé tes bises avec Roland. Bien des choses à Michèle
Grosses bises affectueuses de nous deux
Ton amie Mado
Ce sujet bien grave est hélas un sujet bien difficile .Pour avoir partagé beaucoup de souffrances et de douleurs, je me demande qu’elle est la veritable souffrance de ces personnes (la souffrance physique ? ou la souffrance morale ?) Je crois qu’aujourd’hui nous avons les moyens de ne plus permettre aucune souffrance physique. C’est même notre devoir de soignants (cf loi Kouchner). Mais que dire de cette souffrance morale que l’on entend ou voit dans les yeux de celui qui ne peut même plus s’exprimer ? Que dire de cette souffrance morale que ressent une famille qui voit chaque jour un être aimé diminuer sans autre chance de salut que l’issue finale ?…Pour moi ,l’euthanasie est alors, un acte de générosité que l’on doit à ses frères et soeurs humains.
Tu sais, je pense parfois à mes derniers jours et je sais que je ne voudrais pas imposer une image autre que celle que j’ai toujours donnée à mes proches et surtout à ma fille. Et s’il se trouve ce jour-là quelqu’un pour faire ce geste je lui serais à jamais reconnaissante ….
Bonne soirée, cher Henri
Et à bientôt.
Bien amicalement à toi,
bises
Agnes
Je ne suis pas habitué à une telle réactivité et je t’en remercie vivement. J’aime beaucoup recevoir des commentaires. J’apprécie d’autant plus les tiens.
Pour ce qui est de l’euthanasie, j’ai conscience de la complexité dramatique de cette question. J’ai lu et entendu plusieurs fois, que les personnes en fin de vie, renonçaient la plupart du temps à cette solution si on parvenait à éliminer la souffrance.
Je sais combien il peut être dur pour une personne d’offrir à ses proches le spectacle d’un être diminué, physiquement et intellectuellement. Et je sais combien, il est dur pour les membres d’une famille, de voir un proche cruellement diminué. Mais, cela fait partie de la vie, c’est le prix de notre humanité.
L’interdiction de tuer est une loi universelle, et je pense qu’il est très dangereux de s’en affranchir. On risque de tomber dans un engrenage aux pires conséquences…
Je ne saurais condamner les personnes qui ont recours à l’euthanasie. Mais, je ne saurais non plus qualifier d’acte de « générosité » une telle pratique. Pour moi, c’est la solution de facilité et plus un acte de désespoir.
Quelle confiance aurons-nous dans nos médecins, si nous savons qu’ils ont le droit de nous donner la mort ?… Non, je crois qu’il ne faut pas mettre le petit doigt dans cet engrenage…