Dejvid Nikolic

Mon adjudant-chef,

Survenue dans le cours des « grandes » vacances, en cette période estivale où beaucoup ne pensent qu’au repos et aux loisirs, survenue entre des catastrophes aériennes et au moment où une nouvelle flambée de violence déchire Israéliens et Palestiniens, j’ai peur que votre mort ne soit passée inaperçue. Et j’ai peur que la France ne banalise la mort de ses soldats qui donnent leur vie pour elle, si loin d’elle.

Vous êtes mort pour la France au Mali, le 14 juillet, jour de notre fête nationale. Vous aviez 45 ans, et vous vous étiez engagé dans la Légion à l’âge de 19 ans.

Vous avez participé à de nombreuses missions à l’étranger dont six OPEX (Opérations Extérieures) : trois en Afghanistan, une en ex-Yougoslavie, une au Liban avant d’être désigné en 2014 pour l’opération Serval au Mali.

Le 3 juillet, vous aviez fêté, par colis interposés, le troisième anniversaire de votre rencontre avec votre compagne, Nathalie. Quelques semaines plutôt, vous lui aviez envoyé un SMS avec ces mots : « Veux-tu m’épouser ? ». Et dans son dernier paquet, Nathalie avait glissé votre alliance…

De vous, votre fiancée dit : c’était un homme « au grand cœur, qui faisait tout pour nous rendre la vie belle ». Elle vous qualifie de « beau-père extraordinaire… Il aurait donné sa vie pour mon fils François, comme il était capable de la donner pour la France ». Quel magnifique hommage !

Je laisse à vos supérieurs et à vos frères d’armes rappeler vos qualités de soldats et tout le courage et le dévouement dont vous avez fait preuve pour notre Patrie, au cours de votre carrière.

La mort vous a fauché. Mais vous le savez, la mort fait partie de la vie du soldat. Le soldat a l’exorbitant pouvoir de tuer, et en retour il sait qu’il peut être tué. Et comme l’écrit le général Henri Bentégeat (ancien chef d’état-major des armées françaises) : « On meurt pour la France, bien sûr, mais elle est parfois si lointaine. Alors on meurt pour les copains, pour la Légion, parce qu’on est fier d’être Commando Marine, Cocoye ou Marsouin. On meurt pour soi-même, pour l’idée qu’on se fait de l’honneur. » (Aimer l’armée – Une passion à partager).

C’est parce que vous aviez le sens de l’honneur et parce que vous aimiez la France que vous avez donné votre vie pour elle.

A votre amie et à son fils, dans la peine, je veux simplement dire qu’ils peuvent être fiers de vous. Vous êtes mort pour que la Paix, la Justice et la Liberté l’emportent dans un Mali déchiré par la guerre. Votre sang n’a pas coulé en vain. Votre nom s’ajoute à ceux de vos huit camarades qui ont déjà trouvé la mort sur cette terre lointaine d’Afrique que nous ne devons pas oublier.

Reposez désormais en Paix dans cette Eternité où vous nous précédez. Et donnez à tous ceux qui vous pleurent le Courage nous avons tous tant besoin, par moment, pour rester fidèles à nos idéaux.

J’ai une pensée, enfin, pour tous vos camarades qui sont blessés au cours de ces campagnes. Les médias n’en parlent pas. Et certains d’entre eux sont handicapés à vie, ne retrouveront jamais une vie normale. Je les salue ici et souhaiterais que la France pense davantage à eux et à leurs familles dans la peine.