Je l’ai dit et je le répète : je condamne sans appel les attentats de la semaine dernière, et j’estime que la liberté d’expression et la Liberté tout court, doivent impérativement être respectées et défendues.

Cependant, je ne me suis pas joint aux foules qui ont manifesté, dimanche dernier, sous le slogan « Je suis Charlie » et je voudrais dire ici que – malgré ma condamnation sans réserve du terrorisme, malgré ma compassion envers toutes les victimes, quelles qu’elles soient, et tous leurs proches, malgré mon attachement à la Liberté et à la démocratie – « Je ne suis pas Charlie » et je m’indigne des reproches qui sont faits par les médias à tous ceux qui, comme moi, revendiquent cette singularité.

Je ne saurais en aucun cas m’apparenter à une équipe de nihilistes, qui ne croient en rien, qui ne respectent rien, qui crachent sur tout et sur tous !

Chacun est libre, certes, de pratiquer l’humour qu’il veut. Mais je ne partage pas l’humour de Charle Hebdo. Un humour qui ne construit rien. Que ne rapproche personne. Un humour corrosif qui blesse, détruit, anéantit.

Notre monde marche sur la tête. Pour beaucoup la vie n’a aucun sens. Aussi, je pense que le devoir de journalistes responsables – et le devoir de tous ceux qui ont une influence sur l’opinion générale – est – sinon de donner un sens à ce qui pour eux n’en a pas – du moins d’aider les hommes à aimer la vie, à y prendre goût.

Dans un monde de souffrance, dans la nuit qui est la nôtre, les journalistes responsables ont le devoir de donner des notes d’Espoir, de rendre plus supportable l’insupportable, de faire naître – ou renaître – des fleurs dans nos cœurs desséchés par une actualité morbide.

Or, que font les journalistes de Charlie hebdo sinon tirer tout azimut sur tout et sur tous. Sur la religion, sur l’armée, sur la police, sur le gouvernement, etc.

Pardonnez-moi, mais je ne pourrai avoir la moindre sympathie pour des personnes qui, en 1975, en guise de « Joyeux Noël » écrivaient : « Chiez dans les crèches. Achevez les handicapés. Fusillez les militaires. Etranglez les curés. Ecrabouillez les flics. Incendiez les banques. »

D’aucuns me diront qu’il s’agit là d’un humour du second degré. Pourquoi pas du troisième, du quatrième ou du cinquième degré, quant à faire ?… Au risque de me faire traiter de « bégueule » je dirai qu’il s’agit là d’un humour grossier et ordurier, et qui n’apporte rien de positif au monde.

Charlie Hebdo est l’héritier en droite ligne des lanceurs de pavés de mai 1968, qui ont brisé et balayé toutes les valeurs sur lesquelles s’était appuyée notre civilisation occidentale pendant deux mille ans.

A la place de ces valeurs ils ont laissé un vide sidéral, ou plutôt des cloaques immondes et nauséabonds, dans lesquels ils se repaissent et dont ils inondent le monde.

Je ne sais si la vie a un sens. Peut-être n’en a-t-elle pas… Mais je sais que nous pouvons – et que nous devons – lui donner un sens. Ce sont notre insigne grandeur et notre éminent honneur. Il est vrai que ce mot n’a plus guère de sens pour les descendants de mai 1968 !…

Jusqu’à mon dernier souffle, j’essaierai de redonner Courage et Espoir à mes frères de la terre qui souffrent. De leur apporter l’indicible et mystérieux réconfort de l’Amitié et de l’Amour.

Tel ne semble pas, malheureusement, le a but de Charlie Hebdo. Je lis que Wolinski disait à sa femme : « Quand je serai mort, tu jetteras mes cendres aux chiottes comme ça je pourrai voir ton cul ! » Une telle plaisanterie – outre sa grossièreté – montre le sens qu’accordait à la vie ce dessinateur adulé aujourd’hui par les médias !

Il était donc impossible pour moi de défiler pour un tel hebdomadaire. Et encore moins avec une foule inconstante qui encensait et glorifiait d’une même voix, les forces de l’ordre, après avoir conspué et traîné dans la boue, voici moins de trois mois, les gendarmes du barrage de Sivens.

Alors, je crie haut et fort : « NON ! JE NE SUIS PAS CHARLIE ! »

Comprenne qui voudra.