Je l’ai souvent dit : l’Egalité est un mythe. Nous ne sommes pas égaux. Ni devant la vie. Ni devant la mort.

Nous sommes conditionnés par le lieu et l’époque de notre naissance. Par notre famille. Par notre religion. Par notre éducation. Par nos rencontres. Par notre héritage génétique. Etc., etc. Bref, nous n’avons pas tous les mêmes « chances » devant la vie.

Et nous ne sommes pas égaux devant la mort non plus. Certains s’endorment paisiblement, entourés de proches, tandis que d’autres meurent seuls dans les pires souffrances.

Aussi, plus que l’Egalité, doit-on rechercher la Complémentarité, et le rôle de l’école comme du collège est avant tout de donner le maximum de chances à chacun pour s’intégrer au mieux dans la société et avoir un métier où il puisse donner le meilleur de lui-même.

Il me semble que le projet de réforme des collèges présenté par Mme Najat Vallaud Belkacem, oublie cette complémentarité et sombre dans la maladie de l’égalitarisme, en voulant ramener au même niveau tous les collégiens.

Et comme il n’est pas possible de faire accéder tous les collégiens au niveau le plus haut – celui des élites – elle veut les mettre au niveau le plus bas.

Ce nivellement par le bas est une catastrophe.

Nous avons besoin d’élites et il faut tout faire pour les encourager. Mais tous ne peuvent pas en faire partie.

Que serait une armée composée uniquement de généraux, ou une armée composée uniquement de soldats, sans officiers et sans généraux ? Tous sont complémentaires. Chacun a sa place, mérite le même respect, et il serait suicidaire de supprimer les uns au profit des autres.

Il faut cesser de mettre des qualificatifs de valeur devant les métiers. Tous ont leur utilité et tous doivent recevoir la même considération.

Le proverbe affirme avec raison : « Il n’est pas de sot métier, il n’est que de sottes gens », et je pense qu’il n’y a pas de grands et de petits dans l’échelle sociale, ou plus exactement que chacun doit y remplir au mieux son rôle et y faire valoir ses compétences, le but de l’éducation et de l’enseignement étant de permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même, là où il est.

L’école primaire doit permettre à chacun d’apprendre à lire, à écrire et à compter. Tel n’est pas le cas, hélas, actuellement. 20 % des élèves entrant sixième ne maîtrisent pas ces domaines fondamentaux !

Le collège devrait permettre au plus grand nombre d’acquérir un bagage intellectuel et culturel valable toute la vie, et surtout d’apprendre à penser, à réfléchir par soi-même, sans « gober » toutes les informations et les mensonges des médias et du monde moderne.

Dans le domaine de l’Histoire, seul l’enseignement chronologique permet de comprendre les causes et les conséquences des événements, et d’en tirer les leçons pour le présent et le futur. C’est là un fait reconnu par le plus grand nombre. Or Mme Najat Vallaud Belkacem s’obstine à un enseignement thématique.

La réduction à une peau de chagrin des élèves qui pourront apprendre le latin et le grec est une grave erreur. Ils sont actuellement de 20 % et 3 % respectivement du nombre d’élèves. Le français, notre belle langue française, est issue de ces deux langues. Rien de tel que leur connaissance pour posséder le sens et les nuances des mots, pour maîtriser notre langue et toutes ses subtilités. A l’heure des texto, il importe de préserver cet enseignement.

De même, la suppression des classes bilangues, entraînera fatalement une baisse du niveau des élèves étudiant les langues étrangères.

Enseigner, c’est avant tout éveiller la curiosité et apprendre à aimer : à aimer l’histoire, le français, le latin, le grec, le sport, etc. Faire partager son amour pour une discipline et donner aux élèves le goût de l’effort. Or je vois surtout, dans cette réforme une recherche ludique – et non de l’effort !

Je suis surpris, en lisant des articles sur cette réforme, ou en écoutant des débats, de voir la façon dont est « zappée » le but de de l’enseignement et de l’éducation.

Or les parents et les professeurs ont pour but « d’élever » – au sens propre et figuré – physiquement et moralement leurs enfants et leurs « élèves ». De les conduire vers un « métier » où ils pourront participer le mieux possible à la vie de la société selon leurs compétences, et s’épanouir pleinement.

Je rappelle que « métier » au sens originel signifie « service ». Et, par la même occasion, qu’un « ministre », au sens propre, est un « serviteur ». On en est loin, hélas, dans la réalité !

Souvent, trop souvent, le métier visé est celui qui est le plus lucratif, ou celui qui est socialement le plus considéré…

Voilà quelques réflexions dans le désordre qui me viennent à l’esprit à propos de cette réforme que le Gouvernement vient de décréter à la va-vite, privant les élus de débats utiles.

Comment accorder le moindre crédit aux intellectuels qui l’ont « pondue », quand on voit le « charabia » de certaines de leurs définitions.

Ainsi, pour apprendre nager, il faudra apprendre « à se déplacer de façon autonome dans un milieu aquatique profond standardisé » !

Ou pour jouer au badminton ou au tennis, il faudra « rechercher le gain d’un duel médié par une balle ou un volant » !

Et j’en passe et des meilleures !

On est loin ici des recommandations de Nicolas Boileau qui disait « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément »…