Les langues sont des êtres vivants. Les mots naissent, vivent un certain temps, meurent, puis parfois renaissent, plus ou moins longtemps après et avec d’autres sens.

D’autre part, les découvertes scientifiques, médicales, techniques, l’apparition de nouveau concepts ou autres, conduisent à créer de nouveaux mots – les néologismes – tirés de mots ou de racines du passé, empruntés à des langues étrangères ou forgés de toute pièce. Certains se justifient. D’autre pas.

Ainsi, j’ai entendu toute la journée d’hier, les journalistes des stations radio parler de « sécurisation » à propos des tentatives des migrants de traverser le tunnel sous la Manche. Pourquoi ce nouveau mot dont s’empare soudain la sphère médiatique, quand on a le terme « sécurité » qui convient parfaitement.

De même, aujourd’hui, quand on rencontre une difficulté, un obstacle, on ne parle plus de « problème » mais de « problématique » !… Pourquoi ce changement ?…

De même encore, il est maintenant dans l’usage de parler « d’éthique » et non plus de « morale », alors que les deux mots, à l’origine, ont le même sens, « d’usages », « d’habitudes », de « mœurs », l’un étant tiré du grec, le second du latin. Il est vrai que les spécialistes donnent aujourd’hui des nuances différentes à chacun. Selon le philosophe Roger-Pol Droit, la morale s’adresse plutôt aux valeurs héritées du passé, de la tradition, de la religion. Et l’éthique, c’est le domaine où les normes et les règles sont à inventer. Dans les deux cas, éthique et morale se préoccupent des valeurs du bien et du mal.

Un mot, pour finir, qui illustre bien la tendance des langues à toujours renforcer les mots dont le sens s’use. « Aujourd’hui » se disait en latin « hoc die » – « ce jour » – qui s’est transformé en « hodie » puis a donné en ancien français « hui ». « Hui » ayant vieilli, n’étant plus assez fort, on s’est mis à dire « au jour d’hui », ce qui est une répétition. Et il n’est pas rare d’entendre, de nos jours, des personnes dire : « au jour d’aujourd’hui », ce qui revient à dire trois fois la même chose !…

Ces phénomènes illustrent l’heureuse et parfois amusante vie des mots. Mais je soupçonne un brin de snobisme chez certains journalistes à utiliser soudainement certains mots, plus ou moins disparus de l’usage, comme ce « sécurisation » objet de cette chronique, et à les remettre en vogue !…

En approfondissant mes recherches, je découvre que « sécurisation » et « sécurisant » sont apparus à la fin des années soixante. Ils sont issus du latin « securitas » qui a donné notre français « sécurité » fin XIIe, et le doublet « sûreté » au XVIe.