La violence appelle la violence, et la guerre appelle la guerre.
La meilleure arme pour lutter contre ces fléaux aussi vieux que le monde est le dialogue. De nombreux conflits – tous ? – naissent en effet de non-dits, de malentendus, de l’impossibilité de mettre des mots sur des souffrances, sur des divergences.
Aussi, un dialogue fait d’écoutes réciproques attentives et désireux de trouver la paix, peut dénouer bien des crises, éviter l’échec de toute guerre.
Mais il est une condition indispensable pour qu’un dialogue s’établisse : il faut être au moins deux et, pour qu’il soit fructueux, il faut que les interlocuteurs aient la volonté de trouver une entente, et d’aboutir à la paix.
Quand le philosophe Michel Onfray déclare que la solution n’est pas de bombarder Daech, que ça ne calmera pas les mille personnes susceptibles de prendre les armes en France, je partage son point de vue.
Je comprends également son désir de sauver la paix et ses interrogations pour savoir – dans la mesure où nous négocions des terrains de foot avec le Qatar, des affaires avec l’Arabie Saoudite et la Turquie, Etats qui ne sont pas des modèles de démocratie – s’il ne serait pas possible de trouver une entente diplomatique avec Daech.
Ces propos ont valu à Michel Onfray de passer pour islamophile, alors que voici peu de temps on le traitait d’islamophobe ! Qualifications aussi déplacées l’une que l’autre en ce qui le concerne. Michel Onfray est un philosophe, qui souhaite la paix entre les hommes et qui, comme moi, croit aux vertus du dialogue.
Malheureusement je crois que Daech est allé trop loin dans le crime et dans la barbarie pour qu’on puisse dialoguer avec lui. Comment discuter avec Etat qui sème la mort et la haine autour de lui, qui décapite, crucifie, torture, viole ses victimes, et tue chaque semaine des dizaines d’innocents dans le monde, dans des attentats odieux, à l’issue desquels ses kamikazes se donnent la mort ! Oui, comment dialoguer après de tels crimes ?!…
Le philosophe s’inscrit dans le temps et dans la durée, ce que ne fait pas toujours le politique qui réagit souvent dans l’immédiateté. Et je partage cette pensée d’Ajax dans la pièce de Sophocle du même nom « L’on ne doit haïr son ennemi qu’avec l’idée qu’on l’aimera plus tard. » (v.678). Il faudra que tôt ou tard vienne le temps du pardon et de la réconciliation.
Mais il est trop tôt. Bien trop tôt. Seul le temps pourra apaiser – peut-être ? et pour les générations suivantes… – les blessures et conduire au pardon. Pour l’heure, la Justice et le respect des victimes exigent un châtiment exemplaire des auteurs et des commanditaires de ces crimes sans nom.
Je me demande si la mort n’est pas le seul châtiment à la hauteur de crimes aussi effroyables perpétrés sur des innocents. Une mort qui n’est pas vengeance, mais qui est la seule peine pour des individus qui se sont à tel point coupés de la vie, et avec lesquels aucune discussion n’est envisageable.
« Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23,34). J’ai toujours en mémoire ce cri de Jésus sur la croix. Mais seules les victimes et leurs proches peuvent pardonner l’impardonnable. Personnellement, si j’avais perdu une épouse, un fils, une fille ou autre, dans ces attentats, je ne sais pas si je pourrais pardonner à leurs assassins. Aussi je dois dire mon admiration devant ces proches de victimes qui font preuve d’une grandeur d’âme magnifique, et déclarent ne pas en vouloir aux tueurs. Voir le témoignage du journaliste Antoine Leiris qui a perdu sa femme au Bataclan : « Vous n’aurez pas ma haine. »
Chrétien de cœur, non pratiquant et essayant de mettre mes pas dans ceux de Jésus de Galilée, je connais bien sûr cette phrase : «Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre. » (Matthieu 5,39). Mais je me demande si c’est là, la meilleure réponse. Si la meilleure réponse n’est pas de donner en retour à l’antagoniste une gifle juste et proportionnée, suivie aussitôt de la main de la paix et de la réconciliation.
L’un des drames de la politique française actuelle, en effet, est le laxisme et le fait d’accepter, d’excuser, de tolérer toutes les fautes, tous les délits, tous les crimes, sans leur donner leur juste châtiment.
Or tout coupable – quelle que soit sa faute – mérite une peine, et cette peine est le prix qu’il doit payer pour s’amender et pour être réintégrer pleinement dans la société dont il s’est mis à l’écart. Dans le cas des criminels de Daech aucune réintégration ne me semble possible, vu l’horreur et la barbarie de leurs crimes.