Tandis que le soleil se couche,
et que le bateau s’éloigne du port,
un jeune garçon, les yeux en larmes,
regarde pour la dernière fois
Alger la blanche
disparaître à l’horizon.
Là, un siècle plus tôt,
le père de son grand-père
était venu avec sa famille
cultiver quelques arpents
d’une terre en friches.
Là, sa grand-mère
avait été frappée à cinq ans de la typhoïde
et un ex-voto dans la basilique
Notre-Dame d’Afrique
remercie la Vierge
de sa guérison miraculeuse.
Là, dans le cimetière de Saint-Eugène,
reposent depuis trois générations
les membres de sa famille.
Le bateau s’éloigne dans la nuit qui tombe
et le jeune garçon pleure.
Il ne reverra plus jamais
les ruelles étroites de la Casbah
où il jouait avec ses petits camarades
juifs ou musulmans.
Tout près de lui,
une mère pleure aussi.
Elle a tout perdu.
Une terre qu’elle aimait
et qui était devenue sienne.
Et elle songe à tous ces soldats
tombés à la fleur de l’âge
pour que France et Algérie
soient unies dans une paix fraternelle.
…..………
Cinquante ans ont passé.
La vieillesse et la mort
ont emporté la mère d’hier.
Et le jeune garçon est maintenant
sur le dernier versant d’une vie d’homme.
Il songe avec nostalgie
à ses premières années
sur une terre que la misère a recouverte.
Il songe avec tristesse
aux plaies que le temps
n’arrive pas à refermer.
Il songe à la complicité qui, hier
unissait chrétiens,
juifs et musulmans
enfants d’un même Dieu,
frères que la guerre a divisés.
La nuit recouvre
les souvenirs d’hier
de son voile de tristesse.
Mais là- haut, dans le ciel,
plus sombre
que la nuit la plus sombre,
brille l’étoile de l’Espérance.
L’étoile des commencements
et des recommencements.
L’étoile éternelle
capable de sécher les pleurs
d’un enfant en deuil.
L’étoile secourable
qui donne et redonne
le Courage dont les hommes,
sur cette terre de souffrances,
ont tant besoin.