Elle aura bientôt la quarantaine et a trois enfants entre trois et sept ans. Elle est directrice d’école dans un petit village de campagne, et son mari a repris l’entreprise de maçonnerie créée par son père.
A la fin de ses études, elle a choisi un village de campagne, dans lequel il n’y avait qu’une école laïque et pas d’école privée. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle souhaitait rassembler dans un même corps tous les enfants de ce village, sans ségrégation de croyances, de revenus ou autres…
En quatorze ans, elle a réussi à souder dans un même élan de solidarité et de dévouement, ses cinq collègues qui s’occupent avec elle des cinq classes de cette école primaire.
Pour pouvoir s’occuper de ses enfants, elle avait obtenu un mi-temps qui, malheureusement, son dernier fils ayant maintenant trois ans, ne sera pas renouvelé l’année prochaine. Mais il importe de souligner que, si elle touche un salaire de mi-temps, elle travaille à plein temps et davantage, sans se plaindre et sans compter ses heures.
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Voilà pour la présentation. Venons-en maintenant à l’éventail de ses tâches et responsabilités, notamment en cette période de confinement et de déconfinement.
Pendant le confinement, elle a assuré, avec ses collègues, les devoirs et leurs corrigés par Internet de ses élèves. Les déposant dans les boîtes aux lettres des parents qui n’avaient pas Internet ou pas d’imprimante.
Au moment de la reprise des cours, décidée dans la précipitation, elle a dû seule, préparer un questionnaire à choix multiples pour les parents, mentionnant les jours de la semaine où tel ou tel enfant viendrait à l’école, mangerait à la cantine ; elle a dû – en fonction des réponses – prévoir les repas, etc.
Quelques jours après la reprise, elle apprend qu’un de ses élèves a été testé positif au covid19. Branle-bas combat : elle prévient individuellement les huit familles dont les enfants ont été en contact cet élève. Et cela, avant que la nouvelle ne parvienne à la presse. Heureusement, aucun des huit élèves testés sera positif.
Et elle exerce des tâches qui requièrent des connaissances en informatique, de secrétaire de direction, de responsable des ressources humaines, de psychologue, etc. Or elle n’a aucun diplôme dans ces domaines.
Inutile de dire que la vie familiale se ressent de cette hyperactivité incessante. « Mais ce n’est pas à toi de faire tout cela, lui disent ses collègues ou son mari. »
Et quand le week-end, elle passe son énième repas devant l’ordinateur, laissant seul son mari avec ses enfants, ces derniers de se plaindre : « Tu es encore devant l’ordinateur, alors que tu nous dis qu’il ne faut pas être trop longtemps devant les écrans ! »
Au service des familles, elle leur a donné son numéro de téléphone personnel, quitte à être dérangée à toute heure du jour ou de la nuit.
Le jour de la reprise, un de ses enfants a une angine avec une forte fièvre. Elle refuse de prendre son 1er jour de garde pour enfant malade. Elle ne veut pas pénaliser les familles et ses collègues…
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Voilà la vie, ces dernières semaines, d’une directrice d’école qui exerce son métier comme un sacerdoce et avec abnégation. Elle la chance d’avoir des collègues aussi dévouées qu’elle, et un maire qui fait tout pour les aider.
Mais attention ! à force de trop tirer sur la corde, elle finit par lâcher ! Certaines nuits, elle se réveille en pleurs et pense à Christine Renon, cette directrice d’école de Pantin qui, le 21 septembre dernier, épuisée par les conditions de travail que lui imposait l’Education Nationale, a fini par se donner la mort dans son établissement.
D’après le témoignage d’une directrice d’école primaire,
passionnée par son métier mais à qui l’Education Nationale demande trop !