Le bus qui me conduit ce matin à Lyon est bondé. Plein à craquer.
Appuyé contre une porte, deux gros écouteurs sur les oreilles, un Noir écoute de la musique. Et emporté par le rythme, sans tenir compte de la foule qui est autour de lui, il hurle, toutes les deux ou trois minutes, le refrain de la chanson qu’il écoute.
Certains sourient, mais la plupart sont importunés par un tel sans-gêne. Où se croit-il ? Il n’est pas chez lui. Il y a du monde. Des personnes qui partent travailler, qui vont faire leurs courses. Toutes avec leur fatigue et leurs soucis quotidiens, emportées et secouées dans ce bus inconfortable, et qui aimeraient un peu de silence…
Des passagers se plaignent sans doute auprès de la conductrice et, quelques arrêts plus loin, quatre contrôleurs attendent notre ténor du petit matin, et le font descendre…
Quelle sera la suite ? Je l’ignore. Mais je suis triste.
Je suis triste pour ce Noir, perdu dans ce monde. Perdu dans sa nuit. D’où vient-il ? Où va-t-il ? A-t-il de la famille ? Des amis ? Visiblement il est dérangé. Il n’est pas dans un état normal. Il a « pété les plombs » pour parler familièrement…
Le silence est revenu dans le bus. Chacun peut poursuivre en paix sa nuit. Mais quelque part, à un arrêt, un Noir essaie d’expliquer sa dérangeante extravagance. Où voulait-il aller ? Je l’ignore, mais la trajectoire de sa route a été déviée. Je souhaite que sur son chemin, dans sa nuit, il trouve une bonne âme qui l’écoute et le comprenne.