Donner du sens à nos vies…

Charles Péguy racontait qu’en se rendant en pèlerinage à Chartres, il aperçut un jour, sur le bord de la route, un homme qui cassait des cailloux avec une masse. Cet homme avait la mine sombre et jetait avec rage son outil sur les cailloux.

-Que faites-vous là, demande Péguy ?

– Vous voyez bien : je casse des pierres ! C’est dur ! J’ai mal au dos ! J’ai soif ! J’ai faim et je n’ai trouvé que ce travail pénible et stupide !

Un peu plus loin, Péguy aperçoit un autre homme, qui casse lui aussi des pierres. Mais il a l’air plus serein. Ses gestes sont plus calmes.

– Je gagne ma vie en cassant des pierres. Cela me permet de nourrir ma famille ! C’est dur, mais il y a pire…

Plus loin enfin, Péguy rencontre un troisième casseur de pierres. Il est souriant, manifeste une ardeur belle à voir, et semble rayonner de bonheur.

– Qu’est-ce que je fais ?… Je construis une cathédrale !

…………………………………

Cette histoire nous montre l’importance de donner du sens à nos actions. Dès l’instant qu’elles participent à une œuvre commune, qu’elles s’inscrivent dans un ensemble et que nous en avons conscience, nos actions prennent sens, et du coup deviennent moins lourdes et nous donnent du courage et de la JOIE.

Le plus beau dans cette histoire, c’est que le troisième homme ne verra jamais achevée la cathédrale à la construction de laquelle il participe. Mais il est heureux, car il sait qu’il participe à cette grande œuvre.

Ce dont souffre peut-être le plus notre monde aujourd’hui, c’est de la perte de sens, c’est d’un sentiment d’inutilité engendré par un individualisme de plus en plus grand, et par une absence d’idéaux.

Or nous appartenons tous à une même terre, et nous devrions tout faire, pour que la vie ici-bas soit la meilleure possible pour tous. Dans cette recherche, il n’y pas de tâches inutiles. Toutes, absolument toutes ont – devraient avoir – leur utilité.

Tous nous devrions œuvrer à l’avènement d’un monde dans lequel chacun aurait sa place à part entière, son rôle irremplaçable. Un monde dans lequel il n’y aurait ni « grands », ni « petits », mais seulement des hommes heureux, enthousiastes – comme le troisième homme de la fable de Péguy – de participer à cet avènement. Ici, il s’agit de la construction d’une cathédrale et donc, pour Péguy d’une œuvre divine. Pour les non-croyants la recherche de la Justice et de la Paix peuvent largement combler une vie.

Ne soyons pas trop utopistes : ce monde parfait ne sera jamais achevé. Mais faisons tout pour améliorer le monde existant. Alors nos efforts n’auront pas été vains. Nous aurons la fierté et le bonheur d’avoir été utiles et d’avoir participé à son avancée.

A propos du centenaire de Verdun…

Qui – mis à part quelques exaltés – peut aimer la guerre ?

Le centenaire de la bataille de Verdun avec ses 300 jours et 300 nuits d’enfer, avec ces centaines de milliers de morts, de blessés et de disparus, nous rappelle les indicibles souffrances de tous ces combattants, emportés malgré eux dans ce maelström infernal, dans cette apocalypse.

Et nous avons tous en mémoire le cri des survivants : « Plus jamais ça ! »

Paradoxalement les guerres et leur folie voient apparaître les plus grandes vertus humaines : le courage, l’abnégation, le dévouement, la fraternité, la solidarité, etc. Vertus incarnés par des hommes qui ont été des héros sans le vouloir. Vertus cependant que beaucoup pratiquent – de façon moins spectaculaire – en temps de paix et face aux épreuves de la vie : la maladie, la vieillesse, la mort, la douleur des séparations, des amours non partagés, etc.

Chaque commune de France a son monument aux morts qui rappelle combien notre Patrie a été saignée par la Grande Guerre – puis vingt ans plus tard par la guerre 1939-1945.

C’est toujours avec émotion que je m’incline devant ces monuments – et que j’incline le drapeau que je porte lors des commémorations – en pensant à tous ces morts qui aimaient la vie, et qui ont laissé dans la peine un père, une mère, des frères, des sœurs, une épouse, une compagne, une fiancée, des enfants.

J’ai le plus grand respect pour tous ceux qui sont « morts pour la France », ses héros involontaires, et grâce au sacrifice desquels nous avons la chance de vivre dans un pays libre et en paix.

Non, je n’aime pas la guerre et ne saurais l’exalter. Aussi j’avoue mon extrême embarras en pensant aux mutins de la Grande Guerre, fusillés « pour l’exemple », après une parodie de jugement bien souvent, et en voyant les quelques monuments « pacifistes » érigés après ce cataclysme et sur lesquels on peut lire, entre autres : « Maudite soit la guerre ! », « Contre la guerre ! », « Guerre à la Guerre, Paix entre tous les peuples ! »

Et je suis profondément ému devant cette plaque, dans le cimetière de Royère-en-Vassivière (dans la Creuse) apposée sur la tombe d’un soldat fusillé en 1915 et réhabilité en 1934, réalisée par ses amis maçons, et portant cette inscription: « Maudite soit la guerre – Maudits soient ses bourreaux – Baudy n’est pas un lâche – Mais un martyr. ».

Je ne saurais me désolidariser de tous mes frères de la terre qui sont contre la guerre. Mais je veux rappeler ici une nuance essentielle entre deux mots que l’on confond de nos jours, entre « pacifiste » et « pacifique ».

Le « pacifiste » est prêt à tous les renoncements, à toutes les lâchetés pour la paix. Le « pacifique » sait que la Paix a un prix et des exigences qui peuvent conduire au sacrifice suprême.

Le « pacifisme » a donné Munich en 1938 et la Deuxième Guerre mondiale avec ses dizaines de millions de morts, de blessés, de veuves, d’orphelins et combien de ruines !…

Je voudrais trop la Paix pour notre pauvre monde. Mais il faut refuser l’angélisme et il est des moments, hélas, où la guerre est le seul moyen de vaincre la guerre. Où la mort, paradoxalement, est le seul moyen d’assurer la vie…

Triste réalité, j’en conviens. Mais réalité incontournable et seul chemin, hélas, pour assurer la Paix des peuples qui souhaitent vivre Libres et en Paix.

Dors, petit enfant…

Capture2015-09-03 Aylan

 

Pauvre petit enfant,
Couché sur sable,
Le visage effleurant l’écume.
Tu dors d’un long somme,
Dans l’innocence de tes trois ans.

Tes parents ont fui la guerre et ses horreurs
Et – hélas ! – le bateau qui devait vous conduire vers la Liberté
a chaviré, et vous a emporté dans la mort,
Ton frère de cinq ans, ta maman de 27 ans et toi.
Seul, ton papa a survécu.

Ta photo fait le tour du monde,
Et déclenche une émotion
Souvent tardive,
Et peut-être trop facile.

Des centaines d’enfants,
Comme toi, meurent depuis des mois
Dans des naufrages en mer
Dans, sinon l’indifférence,
Du moins la passivité et le fatalisme
Du plus grand nombre.

Que faudra-t-il donc pour enrayer
L’absurdité et la stupidité des guerres
Et la mort de tous ceux qui n’aspirent qu’à vivre en paix ?

Pauvre petit enfant !
Emporté à jamais avec les rêves de tes trois ans !
Les bonnes âmes crient « Plus jamais ça » !
Mais que pouvons-nous faire ?!…
Sinon prier pour qu’un souffle d’Amour
Balaie notre pauvre terre
Et donne à tous les mortels que nous sommes,
Un peu de sagesse !

Dors, petit enfant !
Qui auras traversé si rapidement cette vie,
Et n’en auras connu que la mort injuste et prématurée.

Ami lecteur, tu ne le sais sans doute pas
Mais la ville de Bodrum,
Sur la plage de laquelle a été retrouvé
Ce jeune Kurde Aylan Kurdi,
S’appelait dans l’Antiquité Halicarnasse,
Et vit naître, voici 25 siècles,
Un certain Hérodote, le « père de l’Histoire »,
Dont les livres font le bonheur des historiens de tous les temps.
Que restera-t-il des dizaines de milliers chroniques quotidiennes
De nos journalistes dans vingt-cinq siècles ?!…
Qui se souviendra de ce jeune enfant
Qui aura traversé la vie comme une étoile filante ?!…
Que diront de nous, nos descendants ?
Pourront-ils croire que nous étions « civilisés » ?…

 

 

70ème anniversaire de la libération d’Auschwitz-Birkenau

Avertissement :

J’ai beaucoup hésité avant de publier cette chronique, rédigée dimanche dernier. J’avais peur de blesser les Juifs. J’ai conscience de l’horreur sans nom du génocide dont ils ont été victimes. Je perçois leur hantise que de telles atrocités ne se renouvellent, et je comprends le parallèle, en raison d’un certain laxisme ambiant, qu’ils font avec les années trente qui ont précédé ce drame, unique dans l’histoire par son ampleur.

Oui, tout cela je le comprends. Mais, on le lira dans cette chronique, je reproche à l’orateur qui a rappelé ces faits lors de cette cérémonie, à Lyon, de n’avoir eu aucun mot, aucune parole, pour les autres victimes, hier et aujourd’hui, de la folie des hommes.

J’ai bien peur que l’humanité ne soit condamnée à jamais à vivre dans la violence. Et cependant nous pouvons, chacun d’entre nous, là où nous sommes, refuser la fatalité de cette violence et être les messagers de la Paix.

Ce n’est pas en ressassant le passé, en nous plaçant en victimes uniques, exclusives que nous construirons ce monde plus fraternel auquel nous aspirons tous.

A l’issue de la cérémonie, un porte-drapeau m’a dit ceci : « Ils n’ont que la haine, à la bouche ! » Or, la haine, la rancœur, la rancune ne sont jamais porteuses de paix.

Cérémonie du 25 janvier à Lyon :

Il fait froid, en ce dimanche 25 janvier, place Bellecour, à Lyon, où nous commémorons le 70ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau. Le vent du nord fouette les visages. Mais comment pourrions-nous nous plaindre, quand nous pensons à toutes ces victimes innocentes – hommes, femmes, enfants – qui ont été exterminées dans ce camp pour le seul crime d’être juifs ?!…

Oui, souffrir du froid et du vent, le temps d’une cérémonie, n’est rien à côté de toutes ces souffrances innommables de six à sept millions de Juifs morts en déportation.

Il faut garder en mémoire ces crimes et tout faire pour éviter leur retour. Mais…

Mais j’avoue être surpris et contrarié par le discours enflammé du Président de l’Amicale des déportés d’Auschwitz et des camps de Haute Silésie. En un mot, il reproche à nos responsables politiques une certaine inertie face à l’augmentation des actes antisémites. Ils les accusent de ne pas prendre la mesure de la gravité de la situation.

Je comprends son inquiétude. Il est lui-même un rescapé de ce camp de la mort. Il est donc bien placé pour parler de tout cela.

Mais je regrette qu’il ne prêche que pour sa paroisse, que pour les Juifs, et qu’il se limite aux victimes juives de la barbarie nazie.

Je regrette qu’il n’ait eu pas le moindre mot pour les tziganes, les homosexuels, les handicapés, moins nombreux certes que les Juifs, mais qui ont connu le même sort.

Je regrette qu’il n’ait pas eu le moindre mot non plus, pour tous les ennemis du Reich, rayés du monde des vivants, et dont il ne reste que les ombres errantes emportées dans l’anéantissement des camps « Nuit et brouillard ».

Oui, j’aurais aimé que notre orateur en colère évoque ces victimes innocentes que je viens de citer. Qu’il évoque aussi le génocide dont ont été victimes un million et demi d’Arméniens, en 1915.

Et j’aurais aimé qu’il ait une pensée, un mot seulement, pour toutes les victimes de la folie des hommes et des guerres, dans notre monde d’aujourd’hui.

Un mot pour ces vingt millions – oui, je dis bien, vingt-millions ! – de réfugiés qui vivent – ou survivent – dans l’inconfort et la précarité de tentes de fortune, glaciales ou étouffantes, selon les pays et les saisons.

Un mot enfin pour ces cent mille chrétiens qui meurent chaque année pour leur foi.

Les Juifs ont connu l’enfer – c’est indéniable – mais ils ne sont pas les seules victimes, hélas, de la folie et de la barbarie des hommes.

Aujourd’hui, nous sommes tous – Juifs, chrétiens, musulmans, athées, simples citoyens du monde– menacés par un terrorisme aveugle et sans pitié.

Ne ressassons pas un passé dont nous ne pouvons rien changer, mais regardons l’avenir avec confiance. Tournons notre regard vers la pureté du ciel et puisons notre Espoir dans le vol des colombes porteuses des rameaux d’olivier, des rameaux de la Paix !

Oui, ce monde fraternel nous nous rêvons tous est possible. Il ne dépend que de nous !

Noël, la fête de l’Espérance.

Qu’est devenue la Lumière
Des noëls lointains de mon enfance ?
Qu’est devenue l’Espérance,
Née voici deux mille ans
Sur la terre de Judée ?…

Le monde semble emporté
Dans un hiver sans retour,
Et les hommes pris à jamais
D’une funeste folie.

Ce Royaume annoncé par Jésus
Sur les chemins de Galilée,
Ne serait-il donc qu’un rêve
Pour enfants attardés ?…

L’Amour, la Justice et la Paix?
Ne sont-ils donc que des illusions
Pour quelques idéalistes
Coupés des réalités ?…

Non ! Je veux croire au message
Des noëls de mon enfance.
Je vois croire en l’Espérance
Qui brille dans la nuit.

Non ! Le Royaume annoncé
Voici deux mille ans n’est pas un rêve.
Il est là. Il est en nous.
Il ne dépend que de nous.

L’Amour, la Justice et la Paix
Ne sont pas morts.
Il nous appartient de les semer
Autour de nous et d’en inonder
Le monde incrédule.

Jésus nous a montré le chemin.
A nous de le suivre !
« Aimez-vous les uns les autres
Comme je vous ai aimés. »
Dans cet unique commandement
Se trouve la clé de tous nos problèmes.

L’Amour peut tout,
Ou presque tout.
Il ne supprime pas la souffrance,
Mais il la rend plus supportable,
Et surtout il met fin
A tous les conflits, à toutes les guerres
Qui déchirent la terre.

L’Amour construit,
L’Amour rapproche,
L’Amour pardonne,
L’Amour libère.

Alors semons, semons,
L’Amour autour de nous.
Semons sans compter,
Sans rien attendre,
Et fleuriront dans un arc en ciel
La Justice et la Paix.

Vous qui êtes seuls
Dans la nuit de l’hiver.
Vous qui n’avez plus de famille.
Vous chez qui personne
Ne viendra frapper à la porte
La nuit de Noël,

Ne désespérez pas !

« Sans l’Espérance,
On ne trouve pas l’inespéré » !

Une étoile brille au cœur
Des nuits les plus profondes.
Vous ne la voyez pas ?
Qu’importe !
Elle est là.
Elle accompagne l’humanité
Depuis la nuit des temps.

Sa lumière illumine nos cœurs.
Le Royaume est proche.
Il est en vous.
Laissez-vous porter
Par la formidable Espérance de Noël !
Elle rend tout possible,
Même l’impossible.